Le Canard enchaîné (08/2017)

 

Encore un spectacle où tout se passe sur un grand écran ? En partie, oui. Depuis vingt ans, la compagnie La Cordonnerie adapte des contes de fées et s’ingénie à brouiller les limites du cinéma et du théâtre. Pour cela, les auteurs-comédiens-musiciens Métilde Weyergans et Samuel Hercule commencent par réaliser un film (muet), qu’ils projettent durant la représentation, puis ajoutent les bruitages en direct et jouent tous les personnages de l’histoire. Le résultat, pour ce conte de frères Grimm (créé en 2015) est épatant.

Ici Hansel et Gretel ne sont plus des enfants abandonnés par leurs parents mais deux magiciens à la retraite qui vivent chez leur fils Jacob, un trentenaire au chômage, dans sa petite caravane, garée sur un terrain vague en bordure de forêt.

Décor vintage et chemises à col de pelle à tarte, l’action se situe dans les années 70. Les temps sont durs, les assiettes sont vides. Les parents se retrouvent sans ressources, s’étant fait jeter de « La piste aux étoiles », l’émission qu’ils animaient à la télé. Mais ils ne perdent pas leur naturel blagueur pour autant. Et poser sa fausse main de squelette sur la main de Gretel (Manuela Gourary), ça fait toujours rigoler Hansel (Michel Crémadès).

Question bruitage, Weyergans et Hercule font des merveilles avec trois fois rien. Ils froissent un emballage en plastique pour imiter le bruit de l’œuf dans la poêle, piétinent un tas de pellicules photo pour les pas en forêt. C’est léger, très ludique. Et deux musiciens (piano, percussions) interprètent la bande-son une heure durant. Impeccable.

Dans l’histoire des frères Grimm, le père cède à la marâtre. Ici, c’est le fiston, un gros naïf que Barbara une brune inquiétante dont il s’est amouraché, persuade de larguer les parents dans la forêt. Et hop ! deux bouches de moins à nourrir.

Si la fin heureuse – nos héros retrouvent le chemin de la caravane après un séjour chez la sorcière –, on est frappé par la dimension nouvelle du conte, sa cruauté. Les personnes âgées délaissées par leur famille ou leur entourage, ça n’a rien d’imaginaire. La sorcière mangeuse de vieux, les guette dans la forêt ? Elle s’est trompée d’adresse les Ehpad sont pleins.

Bon appétit !

mercredi 2 août 2017