théâtre(s) (12/2020)

Ne pas finir comme Roméo et Juliette

L’histoire ne se déroule pas en Italie. Les Montaigus et les Capulets ne se battent pas en duel dans les rues de Vérone. Désormais, c’est au Havre que les histoires d’amour finissent mal, une ville où visibles et invisibles sont séparés par un point à haubans au-dessus de la Seine, truffé de caméras de surveillance. C’est un monde coupé en deux où plus personne n’a pas le droit de circuler, de s’aimer librement. Les héros shakespeariens ont troqué leurs atours de princes. Ils s’appellent Pierre et Romy. Pierre vit dans l’ignorance de l’autre monde. Romy, comme ses pairs, vit masquée et marquée du sceau de l’invisibilité. C’est cette tare, qui, pourtant, va lui permettre de briser l’interdit, de traverser le pont et de croiser Pierre. Coup de foudre. Pierre et Romy ne se quittent plus jusqu’à un ce qu’un soir, en plein carnaval, ils croisent une bande de voyous avinés qui leur tombent dessus. Retour à la case départ pour Romy comme pour Pierre. La fin…Ce qu’il y a de merveilleux dans les mises en scène de la Cie de la Cordonnerie, c’est leur capacité à transcender la mise en scène de théâtre pour distiller musique, bricolage et cinéma et procéder ainsi à un chassé-croisé de tous ces arts avec brio. On suit l’action par toutes les entrées possibles, musicales, théâtrales ou cinématographiques. Tout est orchestré de main de maître, avec une grande fluidité qui permet au spectateur de passer du plateau à l’écran sans hésitation et sans jamais se perdre. Métilde Weyergans et Samuel Hercule forment un duo de magiciens-bricoleurs pour imaginer des ciné-spectacles de très belle facture.

Marie-José Sirach.