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14 Mar 2022

Ne pas finir comme Roméo et Juliette
(Ni vue ni méconnue)

On commence à bien les connaître, Métilde Weyergans et Samuel Hercule, de la compagnie La Cordonnerie. Ils n’ont pas leur pareil pour revisiter contes et fables. « Blanche-Neige », « Hansel et Gretel », « Don Quichotte ». Leur truc : réécrire le texte originel, le transposer à nos jours, puis en tirer un film muet, le projeter pendant le spectacle, produire bruitages et effets sonores sous nos yeux, en bidouillant, froissant, tordant, manipulant tout un bric-à-brac d’objets du quotidien, sans oublier de jouer les dialogues et la musique, en direct. C’est original, ludique, joyeux.
Avec « Roméo et Juliette », ils se sont surpassés. Ici nos héros se nomment Romy et Pierre. La première est championne de ping-pong. Le second, un écrivain qui signe des horoscopes « shakespeariens », diffusés à la radio. Elle vit d’un côté du pont. Lui, de l’autre. Mais voilà, elle est invisible, lui visible. Amour impossible, rencontre improbable, obstacles à volonté…
Le côté fantastique n’est pas maladroit ? Non. Visuellement ce n’est pas ridicule ? Non. Le film est plein de finesse et de poésie. Les images sont superbes. Les cadrages, très soignés. Tout cela avec un brin de mélancolie qu’apportent la déco et les costumes années 70.
Sur scène, ils sont 4 : les deux auteurs-acteurs-metteurs en scène-doubleurs et deux musiciens multi-instrumentistes. Le plateau ne se limite pas à la fabrication des sons. L’action s’invite aussi sur la scène. Mais n’en disons pas davantage. Juste ceci : les spectateurs, petits et grands, se délectent de ces trouvailles, sont tenus en haleine 1h25 durant et découvrent une façon inattendue d’aborder la question de la méfiance envers l’autre.
Bref, La Cordonnerie continue de nous épater !

Mathieu Perez (05.01.2022)

08 Oct 2021

La Cordonnerie sous le signe de Shakespeare

Après Cervantès et Don Quichotte, le collectif La Cordonnerie de Métilde Weyergans et Samuel Hercule s’inspire de Roméo et Juliette et Shakespeare. Un spectacle inventif et délicat tressant théâtre et cinéma qui déploie son imaginaire visuel et sonore sur le plateau intimiste du Théâtre des Abbesses. Stoppé par la Covid-19, il est enfin sur les routes.

“Je vais vous raconter une histoire”, ainsi commence la dernière création de la Cordonnerie, compagnie fondée en duo par Métilde Weyergans et Samuel Hercule, qui s’est fait une spécialité de mêler au plateau théâtre, musique et cinéma au service de récits protéiformes attachants puisant parcimonieusement leurs motifs dans le grand vivier des contes, de la littérature et du répertoire théâtral, en l’occurrence chez Shakespeare comme l’annonce d’emblée le titre de ce nouveau spectacle tout aussi mélancolique et merveilleux que le précédent, Dans la peau de Don Quichotte d’après Cervantès.
De l’auteur élisabéthain et de la tragédie des amants de Vérone il ne reste pourtant pas grand chose finalement, du moins en surface. Mais en creux, infuse en sourdine l’amour impossible de Roméo et Juliette, leur rencontre hasardeuse, la fête et la rixe, les obstacles extérieurs à leur lien… ainsi que ces citations empruntées à l’œuvre du dramaturge, transformées en horoscopes shakespeariens méditatifs, drôles et poétiques. Car au royaume de la Cordonnerie règne la fantaisie aussi, l’humour et l’ingéniosité d’un dispositif opérant à vue le bruitage et la sonorisation en direct du film projeté, réalisé en amont du spectacle. Sur scène, deux temporalités se superposent et dialoguent entre elles tandis qu’à l’écran deux mondes cohabitent séparément, reliés par un pont que personne n’ose jamais franchir : celui de Romy, du côté des “invisibles” au sens propre du terme, celui de Pierre, dans une zone portuaire ordinaire. Jusqu’à ce que la jeune fille transgresse l’interdit suprême et traverse la frontière…
Ne pas finir comme Roméo et Juliette met à nouveau en lumière le savoir-faire pluridisciplinaire et la précision virtuose de cette compagnie qui parvient dans un même geste artistique à tresser technologie et artisanat à travers théâtre et cinéma sans oublier une composition musicale sur mesure, signée à quatre mains par Timothée Jolly et Mathieu Ogier. Une technique merveilleusement rodée faisant appel à une ingéniosité tout terrain mise au service d’un récit sensible et délicat, se déployant sur plusieurs niveaux de réceptions, tel est ce spectacle raffiné et émouvant. Une fable fantastique auréolée de vertus symboliques qui convoque à l’image et au plateau une panoplie d’objets quotidiens constitutifs d’un univers plein de charme suranné. Métilde Weyergans et Samuel Hercule ont le don d’insuffler du rêve dans le concret de leurs actions, de rendre magique les détails, de créer des étincelles de poésie dans les petits riens du récit. C’est tendre, touchant et époustouflant dans sa réalisation.

Marie Plantin (08/10/2021)

22 Sep 2021

Au Théâtre de la Croix-Rousse, La Cordonnerie s’empare de Shakespeare
Un ciné-spectacle buissonnier et attachant concocté par La Cordonnerie : à voir au Théâtre de la Croix-Rousse cette quinzaine.
Elle a un corps de sportive (elle est pongiste) qu’on ne voit pas ; il a un corps ramolli par une vie sédentaire arrimée à sa machine à écrire, visible. Ils vivent dans des mondes séparés par un pont à hauban et ne devraient jamais se rencontrer. Pourtant, ils vont s’aimer.

Mais ça ne suffira à aboutir à un happy end. Loin de Vérone, au Havre, Romy et Pierre tentent d’aller à l’encontre d’une société hostile voire ségrégationniste. Dans cette nouvelle création de la compagnie La Cordonnerie, née en 1997 — c’est leur huitième ciné-spectacle —, il n’est pas fait de référence explicite à une période historique comme cela avait pu être le cas avec leur Blanche-Neige au temps du Mur de Berlin. Et c’est en partie sa force.

Othello, le chat
Les personnages qu’ont inventé Samuel Hercule et Métilde Weyergans gagnent à être intemporels et « puisqu’il est trop tard pour être raisonnable », les cendres de son père sous le bras, la jeune femme franchira le Rubicon. Cela ne se produit pas sur scène, mais dans un film projeté — que le duo a réalisé— et qu’en direct, durant 1h25, ils bruitent, sonorisent et dialoguent avec deux complices, musiciens et compositeurs.
Ce qu’ils ont précédemment fait fonctionne toujours et s’affine même à la mesure de leur écriture de plus en plus libre. Le récit originel n’a jamais paru aussi loin et c’est heureux. De Shakespeare, il ne reste que cette trame d’un amour impossible et le chat Othello appartenant à Pierre. Quand le feu d’artifice surgit à l’écran, c’est un bruit de couvercle qui claque et le cognement d’un marteau qui le rend audible. De ces petits arrangements avec le réel, la troupe sort une nouvelle fois gagnante.

Nadja Pobel (22/09/2021)

15 Fév 2021

S’ouvrir à l’invisible
Les spectacles de La Cordonnerie sont si malins, ingénieux, gorgés de références et sans pose aucune que, pour ma part, je m’y rends les yeux fermés. Du moins jusqu’au lever de rideau. Ensuite, je les garde écarquillés pour ne pas en perdre une miette. « Ne pas finir comme Roméo et Juliette » est incontestablement le plus abouti.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore leur travail, une petite présentation s’impose : Métilde Weyergans et Samuel Hercule partent souvent d’un conte (Hansel et Gretel), d’une pièce (Hamlet), d’un roman (Don Quichotte) dont ils décentrent le propos pour mieux en rendre l’universalité. À partir de quoi, ils écrivent, filment, jouent, bruitent pour former une sorte de kaléidoscope. Ces artistes tressent bouts de ficelle et idées de génie, accompagnés de la musique de leurs complices Timothée Jolly et Mathieu Ogier au plateau. Une réalisation qui semble tenir de l’illusion.
Inutile de chercher dans Ne pas finir comme Roméo et Juliette une variation shakespearienne ou vénitienne. Inutile d’attendre une fin heureuse comme le titre le suggère. Par contre, il est question d’amour tragique, de passion, de coup de foudre et de malédiction.

L’art de la mélancolie
Pierre est un écrivain timide, solitaire et sans doute un rien ennuyeux. Un jour, il est percuté par… une ombre, un fantôme… Cette rencontre commence par un choc si étrange et si fort qu’il cherche à comprendre – les sens affûtés – ce qui lui arrive. C’est Romy qui l’a heurté, une invisible, c’est-à-dire une intouchable, qui vient de l’autre côté d’un pont que nul n’a le droit de franchir depuis… peu importe : entre les deux côtés du pont, c’est la haine. Cette dernière les rattrapera.
Ce faisant, Métilde Weyergans et Samuel Hercule disent ou suggèrent des choses très profondes sur l’amour : ce sentiment suppose le courage de s’abandonner à l’inconnu, permet de se dépasser et procure des émerveillements. Quelques scènes sont particulièrement émouvantes comme lorsque Pierre effleure le corps endormi de Romy dont on devine à peine les courbes, ou lorsqu’ils se promènent heureux et insouciants dans la ville, protégés par leurs déguisements… Ils parlent aussi de nos sociétés si frileuses face aux étrangers, aux pauvres qu’il est plus facile de ne pas voir…
Il faut aussi dire un mot d’une spécificité des spectacles de la Cordonnerie teintés de mélancolie. Celle-ci sourd des intérieurs surannés, de bric à brac de fond de placards, de l’empathie des créateurs pour des créatures jetées dans la tourmente. On se laisse embarquer et bouleverser.

Trina Mounier (12 février 2021)

28 Déc 2020

Ne pas finir comme Roméo et Juliette

L’histoire ne se déroule pas en Italie. Les Montaigus et les Capulets ne se battent pas en duel dans les rues de Vérone. Désormais, c’est au Havre que les histoires d’amour finissent mal, une ville où visibles et invisibles sont séparés par un point à haubans au-dessus de la Seine, truffé de caméras de surveillance. C’est un monde coupé en deux où plus personne n’a pas le droit de circuler, de s’aimer librement. Les héros shakespeariens ont troqué leurs atours de princes. Ils s’appellent Pierre et Romy. Pierre vit dans l’ignorance de l’autre monde. Romy, comme ses pairs, vit masquée et marquée du sceau de l’invisibilité. C’est cette tare, qui, pourtant, va lui permettre de briser l’interdit, de traverser le pont et de croiser Pierre. Coup de foudre. Pierre et Romy ne se quittent plus jusqu’à un ce qu’un soir, en plein carnaval, ils croisent une bande de voyous avinés qui leur tombent dessus. Retour à la case départ pour Romy comme pour Pierre. La fin…Ce qu’il y a de merveilleux dans les mises en scène de la Cie de la Cordonnerie, c’est leur capacité à transcender la mise en scène de théâtre pour distiller musique, bricolage et cinéma et procéder ainsi à un chassé-croisé de tous ces arts avec brio. On suit l’action par toutes les entrées possibles, musicales, théâtrales ou cinématographiques. Tout est orchestré de main de maître, avec une grande fluidité qui permet au spectateur de passer du plateau à l’écran sans hésitation et sans jamais se perdre. Métilde Weyergans et Samuel Hercule forment un duo de magiciens-bricoleurs pour imaginer des ciné-spectacles de très belle facture.

Marie-José Sirach.

28 Oct 2020

Qu’est-ce qui sépare les êtres ou, à l’inverse, les unit ? En revisitant les thèmes de la tragédie de Shakespeare (l’amour et la rivalité entre les Capulet et les Montaigu), la compagnie de La Cordonnerie invente un monde où vivent, de part et d’autre d’un pont que personne ne franchit, les visibles et les invisibles, ces derniers étant tous uniformément masqués. Romy, invisible, et néanmoins championne de ping-pong, traverse et rencontre de l’autre côté Pierre, visible et rêveur… Une histoire d’amour impossible que La Cordonnerie raconte avec sa technique bien rodée du ciné-spectacle, qui réunit avec savoir-faire cinéma, théâtre, musique et bruitage. Les quatre artistes réalisent sur scène ce tour de force qui consiste à jouer, à fabriquer l’univers sonore et à doubler en direct le film, créé en amont. Cette fois, la fable contemporaine qu’ils construisent interroge une société qui marginalise et rend transparents certains individus. À partager avec les plus grands.

Françoise Sabatier-Morel 

26 Oct 2020

Ciné-concert. Au Havre, on s’aime façon Juliette et Roméo

Après un Don Quichotte fantasque et fantaisiste en Picardie, la Compagnie de la Cordonnerie invente la tragédie shakespearienne normande.

Le ciné-concert est cette rencontre improbable entre image, son et jeu des comédiens. Ils sont quelques-uns à s’aventurer dans ce genre théâtral, à la croisée du théâtre et du cinéma. La Compagnie de la Cordonnerie est de ceux-là. Ses spectacles conjuguent tous les ingrédients du rêve, du conte avec un gros soupçon de fantaisie.

Ne pas finir comme Roméo et Juliette est leur nouvelle création. Aux manettes, Métilde Weyergans et Samuel Hercule. Un duo de magiciens bricoleurs qui manient aussi bien l’image, l’écriture que les bruitages. Si elle a croisé la route de Jean Périmony, Chantal Akerman ou André Grégory, lui s’est lancé très vite dans des spectacles musicaux aux côtés de Timothée Jolly, compositeur de son état et complice de toujours.

Les visibles et les invisibles

Ici, point de Vérone, mais la ville du Havre pour accueillir ces deux amants séparés par un pont métallique au-dessus d’un fleuve. On a changé les noms, au cas où toute ressemblance… Romy (Juliette) vit dans la partie de la ville où sont consignés les invisibles. Lui, Pierre (Roméo), est de l’autre côté du pont. Un monde binaire où visibles et invisibles ne peuvent jamais se rencontrer, où les nouvelles diffusées sur les ondes sont filtrées, alimentant la peur de l’autre. C’est un peu la curiosité, le désir d’échapper au quotidien et d’accomplir le rêve de son père qui pousse Romy, une nuit, à franchir le pont, échappant aux capteurs de mouvement et autres détecteurs de présence humaine. Dans une rue du Havre (on pense à celle filmée par Kaurismäki, forcément), elle heurte Pierre, auteur de nouvelles radiophoniques shakespeariennes diffusées chaque soir sur les ondes. Leur relation, bancale, étrange, devient passionnée. Un coup de foudre qui transcende les différences, les interdits.

Sur le plateau, au premier plan, Weyergans et Hercule assurent avec virtuosité dialogues et bruitages, tandis que Timothée Jolly et Mathieu Ogier jouent la partition musicale, dont les lignes mélodiques et les fractures épousent à la perfection la dramaturgie. À l’écran, des acteurs incarnent les personnages de cette histoire, un moyen-métrage féerique aux teintes bleu nuit, où les invisibles sont tous masqués (référence à l’Homme invisible,de James Whale, d’après le roman de H. G. Wells). Le rythme permet au spectateur, même jeune – le spectacle est conseillé à partir de 12 ans – de passer de la scène à l’écran avec fluidité, sans accroc, sans avoir le sentiment de se perdre ou de perdre le fil de l’histoire. Le spectacle tient du mélo et chaque scène est marquée du sceau de la poésie et de la fantaisie. Il y a Pierre regardant amoureusement Juliette allongée sous les draps froissés dont on devine la silhouette. Et il y a cet autre soir où tout bascule, où la noirceur l’emporte sur le mélo. Un soir de carnaval. Romy et Pierre se promènent, déguisés et masqués, main dans la main dans les rues mouillées de pluie, jusqu’à ce qu’une bande de jeunes gens ivres, la bave aux lèvres, fonde sur le couple.

Ne pas finir comme Roméo et Juliette est un conte, une fable où l’invisible devient la métaphore de ceux qui sont relégués au ban de la société, tandis que la peur, la haine alimentent l’autre monde. Un spectacle sur l’étrangeté, dont la fabrication elle-même, cette interpénétration de tous les arts, ajoute une dimension féerique et poétique. 

Marie-José Sirach – lundi 26 octobre 2020

16 Oct 2020

Mélancolique, poétique, politique… Pour leur nouveau ciné-spectacle, Samuel Hercule et Métilde Weyergans s’inspirent des amours interdites de Roméo et Juliette. Ils nous plongent dans un conte contemporain poignant et pénétrant. En faisant naître un ailleurs artistique de toute beauté.

De la tragédie de Shakespeare, il ne reste que l’essentiel : la rencontre irrésistible entre une femme et un homme qui n’auraient jamais dû faire connaissance. Et jamais dû s’aimer. Elle, championne de ping-pong, se prénomme Romy. Privée d’apparence physique, elle fait partie de la société de ceux que l’on ne voit pas. Comme tous ses semblables, Romy vit « de l’autre côté de la ville », coupée de ce monde à la fois honni et convoité par un pont qui tient lieu de ligne de démarcation. Là-bas, au sein de cet univers inaccessible, se trouvent aussi la mer et ses vastes horizons. Pierre est un écrivain solitaire. Il partage son appartement avec son chat Othello. Lui a un vrai corps. Et un vrai visage. Un jour, Romy s’élance vers l’inconnu. Elle traverse le pont, parcourt la ville pour aller disperser les cendres de son père au-dessus des immensités maritimes. Son existence et celle de Pierre ne seront plus jamais les mêmes. Au coin d’une rue, les deux jeunes gens se percutent, se charment, se plaisent… C’est le début d’une histoire d’amour clandestine, tendre, profonde. Une histoire que les membres de la compagnie La Cordonnerie nous racontent par le biais d’une représentation étonnante.

Une ode au voyage

Cette création (pour tous publics, à partir de 12 ans) associe de façon exemplaire les arts du cinéma, du théâtre, de la musique, du bruitage. Sur le plateau, accompagnés des musiciens Timothée Jolly et Mathieu Ogier, Samuel Hercule et Métilde Weyergans réalisent en direct la bande vocale, instrumentale et sonore d’un film projeté en fond de scène, sur un écran géant. C’est à travers ces images d’une beauté troublante que se présentent à nous Romy, Pierre et les panoramas singuliers des mondes auxquels ils appartiennent. Interrogeant avec beaucoup de perspicacité, mais aussi beaucoup de délicatesse, les notions de normalité et d’exclusion, de liberté et de fuite, Ne pas finir comme Roméo et Juliette est une véritable ode au voyage. A l’ailleurs. A la rêverie. A l’insoumission. Une ode onirique et métaphysique qui se saisit de notre imaginaire, dès les premiers mots, les premiers plans, pour ne plus le lâcher. Tout ceci est d’une grande finesse. D’une grande qualité d’écriture et de vision. Samuel Hercule et Métilde Weyergans nous invitent, généreusement, à nous promener en leur compagnie. Ils nous guident sur des chemins de traverses menant à des territoires artistiques accomplis et inattendus.

Manuel Piolat Soleymat – Publié le 16 octobre 2020 N°287

22 Juil 2020

Qui était le père de Blanche-Neige ? Pourquoi a-t-il disparu de la vie de sa fille ? Oublié des célèbres auteurs du conte mais pas des auteurs et metteurs en scène Métilde Weyergans et Samuel Hercule, Udo raconte son aventure. Incarné par l’épatant Quentin Ogier, il nous fait vivre son voyage en URSS dans les années 80, où il a été embauché comme trapéziste dans un grand cirque, puis sont terrible accident, qui l’a rendu amnésique…La cruauté des contes est là, mais aussi l’humour, la tendresse, la mélancolie. Comme dans les spectacles précédents de Weyergans et Hercule, les bruitages se fabriquent sous nos yeux. Pendant que le conteur est secoué sur son siège dans le train en marche pour la Sibérie, le paysage sous la neige défilant sur un petit écran, ou qu’il nous décrit la fête foraine, Laurent Grais joue de la guitare, du vibraphone, du synthé ou bidouille des sons avec trois fois rien.

Bref, cinquante minutes durant, on voyage loin et sans test obligatoire, ni quarantaine !

Mathieu Perez

20 Juin 2018
L’ensemble dégage une étonnante fluidité, le fruit d’une maitrise perfectionnée au gré de vingt années de scène. On sourit parfois des non-dits qui font le quotidien  de cette famille (mal) recomposée, on frémit dans les moments de tension, on s’émeut surtout de cette tendresse qui ne peut s’exprimer… — Cyrille Planson

 

Avec Brio et beaucoup de constance, la Cordonnerie développe un propos singulier dans l’univers du jeune public

Au printemps 1989, c’est au dernier étage d’une grande tour HLM, le « Royaume », que vivent Blanche et sa belle-mère. Le père de Blanche, lui, est parti depuis de longues années exercer sa profession de trapéziste dans les cirques de l’Union soviétique…C’est ainsi que s’ouvre ce Blanche-Neige de la compagnie lyonnaise La Cordonnerie, qui met aux prises une adolescente au look gothique à sa marâtre, une femme isolée. Hôtesse de l’air, elle tente de gérer tant bien que mal la rébellion naissante chez la jeune fille. Un mur de Berlin – celui qui s’abattra quelques semaines plus tard dans cette histoire – s’est dressé entre les deux femmes. Sur fond d’incompréhensions nourries par les conseils du « miroir » de la salle de bain du Royaume, Blanche fuira le quartier pour se réfugier au fond de bois. Comme dans chaque création de La Cordonnerie, un film co-réalisé par Métilde Weyergans et Samuel Hercule est projeté comme support au spectacle et sonorisé ne directe par les interprètes : comédiens, bruiteurs et musiciens. A lui seul ce film est déjà une belle réussite. En témoigne le soin accordé aux moindres détails, à tous ces éléments de décor et objets « vintage » – le baladeur, les téléphones à cadran, le papier peint d’époque – qui sont autant de clins d’œil aux parents et les révélateurs d’une forme d’étrangeté propre au conte chez les enfants. Dans cette banlieue grise des villes moyennes, Blanche traverse tous les tourments de l’adolescence cabossée, la chute du Mur de Berlin nous accroche dans le réel. Elle est aussi la promesse du retour espéré, celui du père.

Mais c’est au plateau, accompagnés de deux musiciens, que Métilde Weyergans et Samuel Hercule donnent leur pleine mesure. Ils y sont les interprètes inventifs d’une partition sonore réalisée en direct. La performance est de taille, comme dans chacune de leurs productions, les déplacements millimétrés et les « instruments » souvent surprenants.

Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin est un plaisir pour le regard et comme pour les jeunes oreilles. Et si l’on suit alternativement ce qui se déroule au plateau et sur l’écran, rien ne vient troubler la compréhension du propos général. L’ensemble dégage même une étonnante fluidité, le fruit d’une maitrise perfectionnée au gré de vingt années de scène. On sourit parfois des non-dits qui font le quotidien  de cette famille (mal) recomposée, on frémit dans les moments de tension, on s’émeut surtout de cette tendresse qui ne peut s’exprimer…