Avec Brio et beaucoup de constance, la Cordonnerie développe un propos singulier dans l’univers du jeune public
Au printemps 1989, c’est au dernier étage d’une grande tour HLM, le « Royaume », que vivent Blanche et sa belle-mère. Le père de Blanche, lui, est parti depuis de longues années exercer sa profession de trapéziste dans les cirques de l’Union soviétique…C’est ainsi que s’ouvre ce Blanche-Neige de la compagnie lyonnaise La Cordonnerie, qui met aux prises une adolescente au look gothique à sa marâtre, une femme isolée. Hôtesse de l’air, elle tente de gérer tant bien que mal la rébellion naissante chez la jeune fille. Un mur de Berlin – celui qui s’abattra quelques semaines plus tard dans cette histoire – s’est dressé entre les deux femmes. Sur fond d’incompréhensions nourries par les conseils du « miroir » de la salle de bain du Royaume, Blanche fuira le quartier pour se réfugier au fond de bois. Comme dans chaque création de La Cordonnerie, un film co-réalisé par Métilde Weyergans et Samuel Hercule est projeté comme support au spectacle et sonorisé ne directe par les interprètes : comédiens, bruiteurs et musiciens. A lui seul ce film est déjà une belle réussite. En témoigne le soin accordé aux moindres détails, à tous ces éléments de décor et objets « vintage » – le baladeur, les téléphones à cadran, le papier peint d’époque – qui sont autant de clins d’œil aux parents et les révélateurs d’une forme d’étrangeté propre au conte chez les enfants. Dans cette banlieue grise des villes moyennes, Blanche traverse tous les tourments de l’adolescence cabossée, la chute du Mur de Berlin nous accroche dans le réel. Elle est aussi la promesse du retour espéré, celui du père.
Mais c’est au plateau, accompagnés de deux musiciens, que Métilde Weyergans et Samuel Hercule donnent leur pleine mesure. Ils y sont les interprètes inventifs d’une partition sonore réalisée en direct. La performance est de taille, comme dans chacune de leurs productions, les déplacements millimétrés et les « instruments » souvent surprenants.
Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin est un plaisir pour le regard et comme pour les jeunes oreilles. Et si l’on suit alternativement ce qui se déroule au plateau et sur l’écran, rien ne vient troubler la compréhension du propos général. L’ensemble dégage même une étonnante fluidité, le fruit d’une maitrise perfectionnée au gré de vingt années de scène. On sourit parfois des non-dits qui font le quotidien de cette famille (mal) recomposée, on frémit dans les moments de tension, on s’émeut surtout de cette tendresse qui ne peut s’exprimer…