Le Souffleur (02/2014)

Hansel et Gretel
Une petite merveille

La Cordonnerie est une compagnie de théâtre qui produit des ciné-spectacles. Et qui raconte des contes avec le cinéma et le théâtre. Après Ali Baba et les 40 voleurs, la compagnie récidive cette année avec Hansel et Gretel. Le conte est totalement respecté, à la différence qu’ici, Hansel et Gretel sont les parents, magiciens à la retraite, de Jacob. Jacob, jeune chômeur pris sous le charme d’une inquiétante et mystérieuse femme…on ne vous en dit pas plus. A part que les parents coûtent cher à nourrir et que cette mystérieuse femme n’est pas très fréquentable. Le renversement par rapport au conte des frères Grimm du rapport parents-enfant offre d’ailleurs au spectateur des pistes de réflexion fort intéressantes.

Donc, sur scène, deux acteurs musiciens (Metilde Weyergans et Samuel Hercule), et deux « seulement » musiciens (Timothée Jolly, également compositeur, et Florie Perroud), et sur l’écran un film. Et c’est Hansel et Gretel, merveilleusement filmé, à la fois complètement contemporain et comme inscrit dans un temps de rêve cinématographique, un temps de technicolor des années 60.
Et le film est prenant, drôle, émouvant. Il fait peur par moments, la sorcière est inquiétante (interprétée par Metilde Weyergans), Jacob est fragile, naïf, sensible, ses parents, que l’on imagine Juifs Russes immigrés, touchants d’amour. On pense à Jacques Demy, à Jacques Tati, au Magicien d’Oz (un Magicien d’Oz inversé, où la fiction serait en noir et blanc et le réel en couleur), et plus secrètement, au rare film de Jean-Daniel Pollet, L’Acrobate. Couleurs travaillées, précision du cadre, bonheur de l’histoire, tout y est. Et en même temps que le film, muet, une musique jouée en direct, inventive, séduisante, et tous les bruitages, tous les dialogues, toutes les musiques (Ah là là ! tous ces chouettes instruments sur scène…). Pas besoin de bande-son, qu’on piétine d’ailleurs allégrement, elle est là, en train de se faire sous nos yeux. Des dizaines d’accessoires, des bidules, des trucs tout simples, des sacs plastiques, un bac à tortue, des micros, et tout naît devant nous, dans le plaisir de l’invention.

Nous sommes à la fois dans l’histoire et dans la fabrique de l’histoire. Dans la fiction et la fabrique de la fiction. Et tout est beau, très précisément éclairé, le lien se faisant constamment entre la scène et l’écran. Un seul exemple : lorsque, dans le film, les parents retrouvent le chemin de leur maison, grâce à des vers luisants, la scène s’éclaire aussi de petites lumières vertes.

Le risque avec ce genre de spectacle, très contraint par la temporalité du film, c’est que la représentation devienne froide, technique. Mais ici, l’humain reste constamment présent. Non, ce n’est pas une simple séance de bruitage à laquelle nous assistons, mais à un spectacle. Changements de voix, jeu d’accessoires, rapport des comédiens à la réalité du film, tout vibre, tout est surprenant, inventif, et, n’ayons pas peur des mots : poétique.

Alors, de deux choses l’une : soit vous arrivez à prendre les quelques places qui restent pour les représentations tout public, soit, si c’est plein, habillez-vous en culotte courte, marchez sur les genoux, prenez une petite voix et faufilez-vous dans les représentations scolaires. Vous ne le regretterez pas.

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