Mélancolique, poétique, politique… Pour leur nouveau ciné-spectacle, Samuel Hercule et Métilde Weyergans s’inspirent des amours interdites de Roméo et Juliette. Ils nous plongent dans un conte contemporain poignant et pénétrant. En faisant naître un ailleurs artistique de toute beauté.
De la tragédie de Shakespeare, il ne reste que l’essentiel : la rencontre irrésistible entre une femme et un homme qui n’auraient jamais dû faire connaissance. Et jamais dû s’aimer. Elle, championne de ping-pong, se prénomme Romy. Privée d’apparence physique, elle fait partie de la société de ceux que l’on ne voit pas. Comme tous ses semblables, Romy vit « de l’autre côté de la ville », coupée de ce monde à la fois honni et convoité par un pont qui tient lieu de ligne de démarcation. Là-bas, au sein de cet univers inaccessible, se trouvent aussi la mer et ses vastes horizons. Pierre est un écrivain solitaire. Il partage son appartement avec son chat Othello. Lui a un vrai corps. Et un vrai visage. Un jour, Romy s’élance vers l’inconnu. Elle traverse le pont, parcourt la ville pour aller disperser les cendres de son père au-dessus des immensités maritimes. Son existence et celle de Pierre ne seront plus jamais les mêmes. Au coin d’une rue, les deux jeunes gens se percutent, se charment, se plaisent… C’est le début d’une histoire d’amour clandestine, tendre, profonde. Une histoire que les membres de la compagnie La Cordonnerie nous racontent par le biais d’une représentation étonnante.
Une ode au voyage
Cette création (pour tous publics, à partir de 12 ans) associe de façon exemplaire les arts du cinéma, du théâtre, de la musique, du bruitage. Sur le plateau, accompagnés des musiciens Timothée Jolly et Mathieu Ogier, Samuel Hercule et Métilde Weyergans réalisent en direct la bande vocale, instrumentale et sonore d’un film projeté en fond de scène, sur un écran géant. C’est à travers ces images d’une beauté troublante que se présentent à nous Romy, Pierre et les panoramas singuliers des mondes auxquels ils appartiennent. Interrogeant avec beaucoup de perspicacité, mais aussi beaucoup de délicatesse, les notions de normalité et d’exclusion, de liberté et de fuite, Ne pas finir comme Roméo et Juliette est une véritable ode au voyage. A l’ailleurs. A la rêverie. A l’insoumission. Une ode onirique et métaphysique qui se saisit de notre imaginaire, dès les premiers mots, les premiers plans, pour ne plus le lâcher. Tout ceci est d’une grande finesse. D’une grande qualité d’écriture et de vision. Samuel Hercule et Métilde Weyergans nous invitent, généreusement, à nous promener en leur compagnie. Ils nous guident sur des chemins de traverses menant à des territoires artistiques accomplis et inattendus.
Manuel Piolat Soleymat – Publié le 16 octobre 2020 N°287