C’est l’histoire d’un couple de petits « vieux », magiciens immigrés russes virés du petit écran parce qu’ils ont fait leur temps. Nous sommes dans les années soixante-dix, avec des grands cols de chemise et des tricots Jacquard marron-beige, Pôle emploi ne s’appelle pas encore comme ça mais la crise économique commence à produire ses effets sur la courbe du chômage… C’est l’automne et Jacob, le fils du vieux couple, sans boulot et sans le sou, a bien du mal à nourrir ses saltimbanques retraités imprévoyants de parents. Quand la belle et mystérieuse Barbara (derrière ses grandes lunettes noires) entre dans la vie de Jacob, elle a une solution simple : conduire les vieux au fond des bois et les abandonner. Le célèbre conte des frères Grimm revisité, à la sauce rude d’une société libérale sans pitié pour les à assistés . Comme à son habitude, Métilde Weyergans et Samuel Hercule fabriquent le film de leur histoire et proposent ensuite un ciné-concert d’un genre trés particulier puisqu’ils ajoutent à la musique et aux bruitages en direct sur la scène une dimension théatrale essentielle.
La synchronisation entre les images et le son est tellement parfaite que certains enfants ont mis du temps à réaliser que tout ce qu’ils entendaient provenait directement de la scène et non pas de l’écran. La Cordonnerie pousse la perfection jusqu’à répandre des effluves sucrés dans la salle, au moment où Hansel et Gretel découvrent la maison en bonbons de la sorcière… Mais au-delà de la maitrise impressionnante du langage du ciné-théàtre, il y a l’univers de la compagnie. La Cordonnerie a l’art de raconter les pires travers de l’humanité avec le charme et la délicatesse des atmosphères surannées, glissant de la poésie dans toute chose, ne laissant rien au hasard. Sans oublier un casting d’une justesse remarquable (qui ne voudrait pas adopter ce petit couple âgé, tendre et facétieux ?).